Pourquoi l'immobilité prolongée dans les postures?
Voilà l'occasion de comprendre un aspect essentiel du yoga, tant au point de vue de la technique que
de l'explication des effets bénéfiques profonds des âsanas. Une condition essentielle caractérise les âsanas
et les distingue de toute autre activité physique, c'est l'immobilisation prolongée dans une attitude déterminée.
Le yoga permet l'étirement des muscles par des mouvements lents accompagnés d'une passivité des muscles
soumis à l'étirement et d'une concentration mentale (ou intériorisation) dans la zone étirée.
Voyons maintenant les autres conditions psychophysiologiques qui imposent aux âsanas une immobilité
prolongée, sans laquelle les postures ne produiraient pas leurs effets vraiment bénéfiques.
Examinons d'abord les aspects corporels de l'immobilité et son retentissement profond sur l'organisme.
Le débutant au même titre que l'adepte avancé, dans quelque position de yoga qu'il se trouve,
doit s'immobiliser rigoureusement, se transformer en "statue qui respire."
Si, à la rigueur, une immobilité relative peut suffire pour produire certains effets physiologiques que nous
citerons d'abord, l'immobilité absolue, rigoureuse est requise.
A de rares exceptions près, les âsanas agissent d'une manière ou d'une autre sur la colonne vertébrale,
la pliant vers l'avant, la courbant vers l'arrière, la tordant, déclenchant des réactions profondes au niveau
de la moëlle épinière et de la chaîne du système nerveux sympathique qui la longe de chaque côté.
Toute flexion agit donc puissamment sur la moëlle, sur les racines nerveuses importantes qui quittent
l'épine dorsale aux trous de conjugaison des vertèbres, ainsi que sur la chaîne sympathique.
Effets sur les viscères
Mais la nature a prévu un système de sécurité pour éviter que chaque mouvement du corps
ne provoque des réactions au niveau des viscères.Que deviendrions -nous si en nous penchant vers l'avant
pour ramasser un objet au sol, nous déclenchions à chaque fois une réaction de l'intestin, du foie,
de l'estomac !!!!! Les mouvements normaux, même violents, n'ont donc pas d'action directe au niveau des
viscères, car ceux-ci ont des réactions lentes.
Par contre si l'on immobilise le corps dans une position déterminée agissant sur une racine nerveuse reliée
à tel organe ou à un groupe d'organes après un délai de réaction de l'ordre de plusieurs secondes au moins,
une réaction se produit dans l'organe. Plus l'immobilité sera prolongée, plus l'action sera intense et durable;
c'est ce qui est réalisé systématiquement dans les âsanas.
Cela nous montre que nous nous trouvons en yoga dans une situation inhabituelle parce les postures
ont toujours des effets bénéfiques pour peu qu'on les "tiennent" dans l'immobilité.
L'immobilité, et elle seule d'ailleurs, permet d'agir sur les viscères profonds .
Ce facteur "d'immobilité" est donc d'application constante dans les postures de yoga et concerne
chaque adepte, débutant ou chevronné.
pas d'immobilité=pas de réaction viscèrale
Une même flexion de la colonne vertébrale aura donc des effets très différents selon qu'elle soit
effectuée pendant un temps court, même à répétition ou pendant une minute ou plus.
Effets sur la circulation sanguine
L'immobilité dans une attitude déterminée modifie profondément la circulation sanguine
ainsi que la circulation lymphatique.Chaque posture modifie la circulation sanguine principalement
par gravitation. L'utilisation systématique de la pesanteur pour influencer la circulation sanguine
est un élément essentiels des âsanas.Chaque âsana conditionne la circulation sanguine d'une façon
particulière et celà, en grande partie, grâce à l'immobilité qui permet à l'attraction terrestre de jouer
son rôle, le sang a tendance à s'accumuler dans les parties basses du corps.
Devant l'attraction terrestre, le débutant et le yogi chevronné se trouvent à nouveau dans
la même situation. Il suffit, pour convaincre un non-initié de lui demander de lever le bras à la verticale
pendant quelques secondes, puis de ramener les deux mains côte à côte sur la table: la main
qui a été levée sera toute pâle et exangue et l'autre aura son teint normal. Aucune goutte de sang
n'échappe à l'action de la pesanteur. Par conséquent, pendant une immobilisation plus ou moins longue
l'ensemble de la masse sanguine s'adapte à la situation particulière du corps.
Les âsanas ont pour effet de diriger du sang vers certaines parties du corps, généralement des zones
qui ont un besoin urgent d'irrigation sanguine supplèmentaire.La pesanteur agit d'une façon douce,
continue, uniforme, sans requérir d'autre effort de la part de l'adepte que celui qui est nécessaire
pour demeurer dans l'âsana.
Effets sur la circulation lymphatique
Parlons maintenant de la circulation lympatique, cette "Cendrillon" de notre physiologie.
Peu de personne se soucient d'elle , pourtant, elle est presque plus importante que la circulation sanguine elle-même.
La lymphe est en fait du sang moins certains constituants( globules rouges notamment)
Entre le sang qui n'atteint pas directement les cellules , et ces dernières baignées dans leur liquide vital,
la lymphe fait figure d'échangeur très actif. La circulation lymphatique draîne le liquide instertitiel et le ramène
à travers son réseau circulatoire propre.Le réseau lymphatique est une ligne de défense essentielle
à l'intérieur de la forteresse corporelle.
Notre réseau de circulation lymphatique est notre muraille de Chine. Ce rempart fortifié est essentiel
à notre véritable santé.
La circulation lymphatique conflue vers le cou où se trouvent ses canaux les plus importants.
Ce facteur ne peut guère être influencé, même , mais
d'autres facteurs influencent cette circulation:
- les contractions musculaires
-la respiration
-l'activateur yogique
Les contractions musculaires refoulent la lymphe dans le circuit lymphatique, si la circulation
lymphatique se fait mieux, chacune de nos cellullles gagne en vitalité
(vitalité dépendant du renouvellement plus ou moins rapide du liquide)
La respiration
A chaque inspiration, la dépression crée dans le thorax produit une succion sur l'ensemble du réseau
de la circulation lymphatique , tout comme sur la circulation veineuse de retour.La respiration yogique,
complète, lente et profonde , est donc l'un des activateurs principauxde la circulation lymphatique autant que
la circulation veineuse de retour.
Signalons que , lorsqu'on adopte une posture de yoga et qu'on demeure immobile pendant un temps prolongé
la respiration s'adapte à la posture. Ainsi, si dans certaines postures, on peut éprouver une certaine gêne
respiratoire due à la compression on peut constater que le centre de gravité de la respiration se déplace
et s'adapte à la posture: se localise par exemple dans les flancs et dans le dos.
L'activateur yogique
A ces facteurs d'activation, le yoga ajoute le facteur gravitation. Grâce à la pesanteur, la pratique des âsanas
étend ses répercussions profondes sur le corps.Sans doute, cette action explique t-elle en partie comment des
"exercices" en apparence aussi simples provoquent des résultats importants dans l'organisme.
Les "niveaux" d'immobilité
Trois niveaux d'intensité croissante peuvent être distingués:
-premier degré
immobilité de 1 à 2 minutes
-degré moyen
l'immobilité est graduellemnet augmentée chaque semaine de quelques secondes pour parvenir à 3 ou 4 minutes
-degré supérieur
travail en endurance, de 5 à 15 minutes
Courage à chacun pour développer son "endurance" dans le confort de la posture!
Conclusion
L'immobilité est un élément caractéristique et indissociable des âsanas , puisque c'est elle qui,
en fin de compte, leur confère leur qualité d'âsanas par rapport aux exercices physiques quels qu'ils soient.
il est donc essentiel de l'observer aussi rigoureusement que possible. Elle est accessible d'emblée à tout adepte
ou yogi débutant, et, à tout moment de sa pratique, le yogi doit s'en rappeler l'importance et s'efforcer de se
rapprocher de l'immobilité d'une statue qui respire.
Extrait du livre de André Van Lysebeth