La pause expiratoire

12/02/2016 10:47

Mon intention n’est pas de vous parler des techniques de rétention du souffle. L’arrêt respiratoire

dont je veux vous entretenir concerne uniquement la pause à la fin de l’expiration.

D’après mon expérience, la pose à la fin de l’expiration est l’expression la plus constante de la vraie

relaxation. Il n’est pas indispensable que l’expiration soit totale, même une expiration légère mais consciente

suffit à provoquer une relaxation corporelle étonnante. Nous pouvons l’observer sur nous-mêmes,

dès que nous poussons un soupir qui nous soulage et  se termine, remarquez-le, par un arrêt du souffle

et une immobilité corporelle de quelques instants. Cet arrêt respiratoire constitue, dans notre siècle surexcité,

un médicament merveilleux, mais il n’est pas reconnu comme tel, pour la raison évidente que c’est trop simple

 

                                        La pause naturelle, spontanée

 

La pose respiratoire a deux composantes. La première est une profonde relaxation intérieure ;

l’autre et le développement de la faculté de la concentration, qui découle de cette détente intérieure.

À l’occasion de cette pause, l’être humain fait l’expérience d’un merveilleux repos en soi-même,

d’un détachement du monde extérieur, où l’on éprouve, on peut l’affirmer sans exagérer,

la sensation inconsciente de s’être complètement dématérialisé.

Dans cet état que l’on peut approfondir encore par l’exercice conscient de la relaxation et du yoga nidra,

s’affine et s’affirme de plus en plus,  la capacité de se concentrer profondément en soi-même, je dirais

d’éveiller des sens  inconnus et de les développer. Un signe avant-coureur de cette expérience

réside dans le fait que, lorsque nous aiguisons notre activité sensorielle consciente, notre respiration

s’arrête du même coup, c’est-à-dire qu’aucune augmentation de l’acuité des sens ne peut se produire

en dehors d’un arrêt respiratoire.

 

                               Concentration et un arrêt du souffle

 

Exemple : quand nous nous concentrons très fort, par exemple si nous désirons récapituler un événement

qui nous affecte profondément, au moment de la plus forte concentration, s’installe un arrêt du souffle

pouvant être fort long, à tel point qu’il nous serait souvent impossible de bloquer la respiration

aussi longtemps sur commande.

 

De même, lorsque nous sommes très attentifs à ce que nos sens nous apportent, lorsque nous voulons suivre

de très près les mouvements d’un animal dans la nature ou écouter des bruits ténus, bref à chaque fois que le

monde extérieur réclame notre attention la plus infinie, l’homme débrayent sa respiration et retient son souffle,

sans effort et même sans s’en apercevoir.

 

Si, par contre, nous tentons de suspendre volontairement le souffle, cette rétention exige un effort de volonté,

devient une gêne ou même une oppression (sauf dans le cas des yogis entraînés, bien sûr).

Cette pause respiratoire fait cependant partie de l’expression naturelle de la respiration et les animaux nous la

 montre nettement.

L’enfant, le nouveau-né, nous le démontrent aussi. Toutes les mamans savent qu’il arrive souvent que l’enfant,

dans son berceau, se mette à pleurer sans motif apparent, pour arrêter tout aussi brusquement.

Ensuite se place une longue et incompréhensible rétention du souffle, que le bambin occupe en gigotant

des quatre membres. C’est pendant cette rétention du souffle que bébé se construit les muscles pour s’asseoir,

se lever, marcher. Il s’agit réellement d’une pause créative , au sujet de laquelle on a déjà beaucoup parlé

et écrit, mais que pratiquement seuls l’enfant et l’animal appliquent.

 

                                Influence de l’éducation

 

Tandis que l’animal respire durant toute sa vie d’une façon naturelle, lorsque l’homme grandit intervient un

changement radical dans sa façon de respirer qui cesse d’être instinctive et animale.

Dès que le petit homme est capable de se tenir debout, on l’assied dans une chaise et on commence

son éducation, qui n’est souvent que de la répression de toute spontanéité, de tout naturel :

on les « discipline ». Pour atteindre de son but, la société, représenté d’abord par les  parents, utilise tous

les moyens possibles. Un des plus néfastes et qui détruit cette respiration normale de la façon la plus sûre,

consiste à faire obéir l’enfant par la menace et la peur. C’est  hélas ! La solution la plus facile et celle

à laquelle on a le plus souvent recours :

« attention si tu n’es pas sage gare au mon père fouettard ! » « Attention ! Si tu n’es pas sage le grand

chien du voisin va te mordre », (ce « soit sage sinon, quand ton père va rentrer,  tu verras !…

Le chantage et la menace deviennent ainsi les instruments principaux de l’éducation et causent des ravages

insoupçonnés et terribles pour l’enfant, ravages qui se répercuteront parfois durant toute une vie

en affectant le psychisme de l’être humain. La première conséquence est que l’enfant perd le rythme normal

et naturel de la respiration, car tout état d’anxiété perturbe le rythme respiratoire d’une façon profonde

par la tension créée, et ceci est d’autant plus grave que la sensibilité de l’enfant est  plus grande.

Ainsi les parents qui, au fond, n’ont en vue que le bien de l’enfant  et sont le plus soucieux de son

développement harmonieux, se transforment en archanges à épée flamboyante qui chasse l’enfant

hors du paradis de la respiration naturelle. Et c’est maintenant, dans cet état de tension, qu’on lui inculque,

qu’on lui impose, et qui n’est pas du tout voulu par la nature, que l’enfant grandit, et devient peu à peu

un homme « normal »

 

                                   Dans l’antiquité déjà

 

Cicéron dans son livre « De la vieillesse » parle de « l’homo relaxus ». Il dit textuellement : « seul l’homme relaxé

est réellement créateur et les idées lui viennent comme l’éclair ». Et je me permets d’ajouter modestement que

de l’homme tendu ne peuvent découler que de nouvelles tensions.

Une constatation évidente, et cependant intéressante et instructive découverte par les yogis, et que le sommeil

s’empare de l’homme durant une pause respiratoire. Celui qui est tendu au point que, même inconsciemment,

il ne se ménage plus  une pause à la fin de l’expiration, est à coup sûr un mauvais dormeur.

C’est le consommateur-type de somnifères qui fait vivre une industrie qui brasse des milliards grâce

à l’insomnie des civilisés. Il n’y aura peu à redire si ces drogues étaient inoffensives, mais l’être humain

qu’on amène en état d’inconscience à l’aide de pilules se réveille avec des membres fatigués, et s’empoisonne

lentement mais sûrement.

Qu’il serait plus simple et plus sain au vrai sens du mot, de réveiller dans notre corps cette pause respiratoire

et nous offrir ainsi un merveilleux moyen de nous endormir, pour nous conduire vers un sommeil profond

et réparateur comme tout sommeil naturel, un sommeil que les Empereurs nous envieraient.

Hérodote avouait qu’il ne pouvait se vanter de dormir une fois l’an sans cauchemar,  toujours hantés

qu’il était par les soucis de son empire.

 

                                                 Retour en soi-même

Ne nous faisons aucune illusion,  cette consommation abusive de pilules et de comprimés est la conséquence

inévitable de notre façon de vivre. Plus l’humanité s’éloigne de la vie naturelle, plus l’homme devient

matérialiste, plus il devient apathique intérieurement et dépendant de la matière. Le travail sur soi-même

doit devenir un travail pour « entrer en soi-même ». La première condition de cette intériorisation consiste

à rétablir dans toute son intégrité cette fonction vitale par excellence, la respiration, avec l’expérience

vécue et consciente de la pose l’expiration. Alors l’être humain apprend à nouveau rentrer en soi-même

et à écouter les voix qui surgissent des profondeurs de l’être. Alors il réapprend à écouter les bruits subtils

émanant de l’organisme, de soi-même ; il perçoit les pulsations du cœur et le flux du sang qui court

dans ses veines et sent  comme le souffle vivant et vivifiant le traverse et le vitalise, en une alternance

harmonieuse de mouvements paisibles et d’arrêt. Il acquiert la faculté primordiale d’auto observation

et en concentrant son attention sur le déroulement de ses fonctions, arrive à percevoir les dangers

qui menacent sa santé et peut intervenir immédiatement.

N’est-il pas tragi-comique de voir avec quelle attention soutenue cet homme écoute tourner le moteur

de sa voiture, se concentre sur les bruits afin de contrôler si tout est normal, alors qu’il est incapable,

voire même ne songe pas,  à prêter une oreille attentive à son propre organisme avec la même intensité.

Il est temps que l’homme rétablisse en lui la pause expiratoire, sans quoi la nature l’obligera à le faire,

bien avant l’heure, la pause expiratoire finale… après laquelle il n’y a pas de réveil.

 

Exercices pratiques

 

La première étape, consiste, après s’être couché sur le dos et s’être relaxé, à observer la respiration sans

l’influencer, et voir comment, peu à peu l’on devient conscient de respirer au centre du corps.

Le centre de gravité de la respiration se déplace vers le bas, vers l’abdomen.

Après avoir observé sa respiration durant quelques secondes, tenter de sentir que le souffle réclame un arrêt

à la fin de l’expiration. Il faut s’habituer à sentir cette relaxation de l’appareil respiratoire s’établir progressivement

et vous réussirez alors à la percevoir et jouir de cette pause.

Quand vous percevez que le souffle va-et-vient harmonieusement et sans saccades, établissez volontairement

un arrêt à la fin de l’expiration, essayer de percevoir les battements du cœur, ce qui se produit généralement

très vite. On peut aussi les compter. Après un certain temps d’entraînement (qui n’est pas nécessairement long)

vous vous apercevrez que vous pouvez retenir votre souffle fort longtemps, sans effort : vous le remarquerez au

nombre accru de battements du cœur que vous compterez.

 

Durant l’exercice de la pause expiratoire celui qui respire mal devra se contenter, au début, d’un arrêt de deux

à trois secondes et même s’il le voulait, il n’arriverait pas à tenir beaucoup plus longtemps insistant sur le fait

que ces exercices doivent être fait avec la présence intégrale de l’attention et sans le moindre effort.

 

deux façon de pratiquer

 

Il existe deux façons de pratiquer la pause expiratoire.

La première consiste à considérer la pause expiratoire en tant que point final de l’expiration, c’est-à-dire un repos

avant d’inspirer à nouveau. Dans ce cas, dès que la pause cesse, l’inspiration commence. Mais il est possible

aussi d’expirer d’abord tout l’air qui veut bien sortir des poumons en relaxant la musculature  respiratoire,

ensuite s’arrêter durant quelques secondes, puis continuer l’expiration et chasser les derniers restes d’air.

Mais il ne faut pas se dire durant la première partie de l’expiration, « je vais conserver une petite réserve

afin de pouvoir encore expirer ». Non,  il faut laisser tout l’air s’échapper naturellement avant le premier arrêt,

et ensuite, après la pause, vous constaterez qu’il y a encore une quantité minime mais très perceptible,

d’air vicié qu’il est possible d’expulser avant de refaire une nouvelle pause, finale cette fois, et d’inspirer.

Il est à noter que des sujets entraînés arrivent ainsi à expirer par parties, en intercalant les poses successives,

non pas en deux fois mais en trois ou quatre fois.

Vous constaterez que cela a pour effet d’approfondir l’État de relaxation

 

Note du traducteur : Les poses à la fin de l’expiration sont connues en yoga sous le nom de « Sunyaka ». Tandis que les blocages du souffle à poumons pleins devraient se pratiquer de préférence sous la conduite d’un guide qualifié, les arrêts à l’expiration sont sans le moindre danger ni inconvénient et peuvent être pratiqué par chacun,  en toute sécurité, même sans la présence d’un instructeur.  Une seule condition, comme toujours : l’absence d’effort

article extrait de"yoga" écrit par le Docteur Egenolf